Le lipœdème ! Peut-être avez-vous lu le 1er article et souhaitez-vous en savoir plus ! Je vous avais promis des solutions … Elles arrivent !
Revenons au premier stade de la maladie, nous sommes en présence de jeunes femmes, qui se différencient peu des autres, si ce n’est qu’elles ont déjà un bas du corps légèrement disproportionné par rapport au buste. On se dit que ce n’est pas grave… Elles ont un physique féminin ! avec un peu trop de hanches, un peu trop de fesses, un peu trop de cuisses… tout est un peu trop !!! Mais rien n’est grave. Pourtant elles remarquent déjà que, contrairement à leurs amies, elles n’arrivent pas à maigrir, elles ne perdent aucun centimètre dans ces zones qui les obsèdent tant.
Mais pourquoi n’arrivent-elles pas à maigrir et perdre ces centimètres ? Pourquoi leur système lymphatique et circulatoire est-il asphyxié ? Le problème est souvent héréditaire, hormonal avec un système lymphatique qui fonctionne au ralenti. Pour éviter que la jeune femme, avec une légère adiposité classée en stade I, ne devienne une femme au bas du corps déformé, les années passants, il est essentiel que son problème soit diagnostiqué le plus tôt possible ! Qu’elles soient reconnues comme atteintes d’une maladie ! Car oui, il s’agit d’une maladie même si, au départ, il semblerait que ces femmes ne soient pas prises au sérieux. On pense que ce n’est pas grave, qu’elles font des caprices esthétiques.
Actuellement les centres hospitaliers continuent à défendre et se faire le porte-parole de ces femmes. En effet, la reconnaissance comme maladie par le corps médical, et par les caisses d’assurance maladie comme telle, va permettre une prise en charge multi disciplinaires par le monde médical et paramédical et éviter que le problème ne dégénère jusqu’à des formes invalidantes.
En effet, au stade I de la maladie, comme décrit précédemment, la jeune fille présente une cellulite marquée dans les zones du bas du corps. Cette cellulite est encore à un stade de réversibilité si le traitement est approprié, s’il est accompagné d’une réelle envie de la patiente de faire les efforts nécessaires, et si elle a confiance en ses soignants.
Certains physiothérapeutes ont longtemps traité cette population en cabinet privé et possède une longue expérience sur le sujet. Nous avons la chance de suivre des cours, à l’occasion desquels nous pouvons parfaire nos connaissances et échanger nos expériences.
Un protocole de soin qui donne d’excellents résultats pour autant qu’il soit suivi avec sérieux a été mis au point. Il demande également une implication certaine de la patiente. En effet, il s’agit d’une collaboration indispensable de la part de tous les partenaires pour espérer atteindre le but souhaité.
Dans un premier temps, il s’agira de faire des bandages spécifiques pour traiter les œdèmes et dès que possible de remplacer les bandages par :
- des collants de contention de classe II, tricotés à plat (pour une meilleure efficacité),
- de faire en parallèle des séances de drainage lymphatique (actuellement la lymphofluoroscopie permet d’observer la circulation de la lymphe dans les vaisseaux lymphatiques et prouve l’efficacité du drainage lymphatique),
- d’instaurer une hygiène de vie avec une alimentation équilibrée,
- d’intégrer des séances de sport (idéalement en piscine).
Mais pour que l’objectif soit atteint, il faudra avant de faire le drainage lymphatique classique, faire des manœuvres spécifiques de relance de tout le système lymphatique. Manœuvres indispensables pour espérer une réelle efficacité. C’est à l’occasion de nos formations continues que nous avons appris ces manœuvres.
C’est à ce prix que «les amas graisseux vont diminuer»… et que tout le corps va bénéficier du bon fonctionnement du système lymphatique. En effet, une bonne élimination des toxines permet une meilleure régénérescence des tissus et un maintien en bonne santé. Après quelques semaines, la diminution du tissu adipeux et la perte de centimètres sont visibles.
Cependant, si l’espoir est de mise lorsque le traitement est fait sur une population jeune et impliquée, il n’est absolument plus adapté sur une personne qui aura pris petit à petit beaucoup de poids. Avec les années, le tissu adipeux aura gagné du terrain. Les zones atteintes, de manière irréversible, seront de plus en plus importantes. A ce stade, seule la chirurgie pourra aider efficacement ces femmes, car nous sommes en présence du lipœdème de stade III et IV de la maladie.
Cependant ces femmes, qui ont longtemps été montrées du doigts, et culpabilisées finissent souvent par utiliser l’alimentation comme exutoire à leur frustration. Le traitement, uniquement sur le corps, sera-t-il alors efficace ? Proposer un nouveau comportement alimentaire sans prendre en compte le profil psychologique de ces femmes et la souffrance dans laquelle elles se trouvent, parfois depuis des années, donnera-t-il des résultats sur le long terme ?
J’ajouterais donc un accompagnement psychologique au traitement. Car avec le temps, l’alimentation est peut-être devenue une compensation au mal-être.
Le comportement alimentaire est à lui seul un vaste programme. Avec ou sans lipœdème, il parle de notre vision du corps et de nos émotions.
Pourquoi manger plus ? Quelle émotion essaie-t-on de « tasser » en remplissant son estomac ? Quelle image inconsciente du corps la personne a-t-elle ? Comment s’accepte-t-elle en tant que femme ? Comment vit-elle le regard des autres sur elle ? Quelles sont les peurs conscientes ou non d’être belle, séduisante ? Qu’a-t-elle enregistré depuis l’enfance sur le pouvoir du corps, sur le danger qu’il pourrait représenter dans un monde encore très patriarcal, où une femme violée est parfois présentée comme une séductrice et une aguicheuse, plutôt que la victime d’hommes ne contrôlant pas leur sexualité…
Comment vivent-elles dans l’intimité avec leur partenaire ?
Que de questions à visiter pour se donner une chance de sortir définitivement de la spirale des régimes et de sa cohorte de désespoirs et de déceptions. Car au-delà des résultats, qui ne sont jamais vraiment au rendez-vous, ou pour si peu de temps, ce qui se met en place pour ces femmes, c’est le sentiment d’échec, la dévalorisation et le manque d’estime d’elle-même dans tous les domaines de leur vie.
Le propos n’est pas de faire de toutes les femmes des êtres filiformes rentrant dans le moule de la « normalité », mais plutôt de permettre à toutes les femmes de se trouver belles, parce qu’elles se sentent bien dans leur peau et dans leur poids de forme. Ce poids de forme est à trouver ; il est différent pour chacune. On est bien loin des stéréotypes qui veulent que nous ressemblions toutes aux mannequins des magazines.
Même avec un lipœdème, les femmes peuvent espérer vivre en accord avec leur corps en acceptant leur situation, en acceptant leur hérédité, en faisant tout pour bien vivre avec ce qui est leur réalité. Accepter permettra de ne pas perdre des forces face à l’inéluctable. Accepter, c’est se donner la possibilité de concentrer ses énergies pour se prendre en main, en équipe avec tous les partenaires de santé, afin de maintenir leur corps en équilibre malgré les années qui passent.
En conclusion, si le traitement du lipœdème n’est pas un traitement curatif, la prise en charge le plus tôt possible permettra d’éviter les formes invalidantes de la maladie. Il permettra un maintien de la circulation sanguine et lymphatique, une diminution de l’œdème. Cependant, il ne faudra pas perdre de vue que la prise en charge devra se faire sur le long terme, et que le mode de vie, les choix de vie, devront se faire en tenant compte de tous ces paramètres, et durant toute la vie.
Actuellement des études sont faites pour démontrer que dans la mesure où cette maladie est prise en charge précocement, elle peut être jugulée et stabilisée.
En collaborant les uns avec les autres et dans un esprit d’ouverture, nous pouvons tous faire en sorte que ces femmes retrouvent espoir et ne vivent plus leur corps comme une fatalité.
© Alice Duruz - 2019
Source :
Revue médicale Praxis
Automne 2018